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Cineflower
10 octobre 2008

Memories of Murder(Salinui chueok, Joon-Ho Bong, 2004)

memories_of_murder            On croyait tenir avec David Fincher le futur du thriller. Que nenni, le renouveau aura les yeux bridés. Enfin à moitié. Etrangement, Memories of Murder paraît autant tenir du réalisateur de Seven que Zodiac semblera influencé par le film du pays du matin calme. Comme le seront également un public grandissant et des œuvres de plus en plus nombreuses, le succès du film de Bong Joon-Ho étant en partie responsable de la vague de polars coréens désormais accessibles dans les salles depuis quelques années.

            Le cinéma coréen (1) est le cinéma du mélange des extrêmes: l'effroi y côtoie les rires les plus sincères (alors qu'ils sont jaunes, allez comprendre), les larmes le trash, le sadisme le loufoque. Le dosage est difficile, rarement parfait. Pour tout dire, ça peut facilement partir en joyeux bordel, en témoigne le jouissif mais bancal Le Bon, la Brute et le Cinglé sorti sur nos écrans fin 2008. Bong Joon-Ho, avec Memories of Murder puis The Host, semble pourtant bien en connaître la recette.

            A la fois comédie, film policier, mélo et film politico-social, Memories of Murder réussit ainsi l'exploit d'être tour à tour hilarant - l'épisode des saunas, génial, ou les coups de savate de notre héros -, haletant - les scènes de course poursuite -, stressant, qu'émouvant - la fin - . Bong Joon-Ho, maîtrisant déjà à la perfection les codes de ces différents genres, agence ces scènes pour figurer un semblant de progression dans l'enquête, alors que, c'est le tour de force majeur du film, il n'en est rien. Il n'y a pas de réelle avancée, Memories or Murder, inspiré d'un sordide fait divers des années 80, est le récit d'une enquête qui tourne à vide. De fait, la modernité du film, pour un polar, vient de ce refus constant du suspens, du moins de son essence - l'attente née du décalage entre ce que le spectateur sait et ce que le personnage sait -. Personne ne sait rien. Le film entraîne plutôt le spectateur dans son surplace et dans sa perte. On y gagne alors en paranoïa ce qu'on y perd en suspense. Surtout, l'empathie se fait plus intime (on ne souffre pas pour, mais avec nos héros), et le film existentiel. Les tranches d'humour et le jeu flamboyant du génial Song Kang-Ho, désormais véritable star (et c'est amplement mérité), évitent alors le naufrage dans la neurasthénie et rebalancent le film dans la case du divertissement. Les personnages d'abord caricaturaux, prennent une épaisseur extrêmement touchante au fur et à mesure que l'enquête s'englue. Une bienveillance que le metteur en scène accorde à tout son pays: s'il le décrit comme complètement archaïque et obsolète, il ne peut cacher sa grande tendresse pour ses compatriotes, malgré tout plein de ressources - même quand ces dernières se manifestent par la mise en scène de fausses preuves - . Des compatriotes dont le héros se fait le représentant: têtu et fier, loufoque et dépassé, mais avec un coeur gros comme ça. Avec le recul, Memories of Murder s'affirme comme le plus beau polar de la décennie.

(1) Dans sa veine mainstream; je ne parle pas de la voie auteurisante d'un Hong Sang-Soo par exemple.

                                             Ben Evans (D.W. : must see / B.E. : indispensable)

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