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Cineflower
10 octobre 2008

La Saveur de la Pastèque (Tian bian yi duo yun , Tsai Ming-Liang, 2005)

la_saveur_de_la_past_que            Drôle de titre pour film troublant. Le fruit est donné comme palliatif à l'eau en temps de sécheresse estivale à Taïwan. Sécheresse qui n'est que le reflet du désert affectif des habitants. Tsai Ming-Liang présente sa ville comme étouffante et étouffée par la solitude, la détresse et l'incommunicabilité. Suite non officielle de Et là-bas quelle heure est-il? - l'acteur fétiche Lee Kang-Sheng y reprend peu ou prou le même rôle -, La Saveur de la Pastèque affiche le même spleen inconsolable dans une mise en scène sensuelle et charnelle qui évoque autant la fraîcheur sud-est asiatique, le souffle de la Nouvelle Vague que la chorégraphie poétique anonyme d'un Tati. Tsai Ming-Liang parle des petits rien qui font les grands tout, de ces comportements infinitésimaux qui traduisent les angoisses existentielles et atermoiements universels les plus bouleversants. N'ayant pas peur de la crudité, se jouant de manière ludique de la censure et des codes de représentation, il offre surtout un cinéma d'un romantisme subtil et sublime, à la fois mélancolique et fleur bleue, où la baise ne peut combler la frustration sentimentale. L'absence d'échanges est criante (1), pourtant les personnages sont incarnés. Plus précisément, ils s'incarnent lors de parenthèses musicales désuètes et chatoyantes, qui leur servent autant d'évasion d'un quotidien trop triste qu'elles nous renseignent sur leurs aspirations. Le gouffre est grand entre les envies et les actions, les individus et la société, les désirs intimes et l'environnement, d'où l'impossibilité de s'épanouir et de communiquer. Tsai Ming-Liang fait sienne la principale thématique du cinéma d'Antonioni, l'incompatibilité grandissante entre l'homme et le monde moderne. (2) Les échanges sont mécaniques, la moindre intimité est douloureuse. Trahi par une conscience qui se doit de plier aux diktats, le corps n'est plus qu'un objet désincarné. Le magnifique sens du cadre et les divers surcadrages traduisent cette paralysie affective et détache les habitants les uns des autres. Ouvrons-nous, n'ayons pas peur, voilà ce que semble nous dire ces parenthèses chantées nostalgiques. La scène finale, inattendue et bouleversante, laissera malgré tout l'espoir d'une conciliation. Bientôt la fin du désert?

(1) Hormis les chansons, le film est d'ailleurs quasi-muet.

(2) L'homme évolue alors que l'éducation reste campée dans ses tranchements ancestraux.

                                                   Ben Evans (D.W. : must see / B.E. : indispensable)

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