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Cineflower
10 octobre 2008

Mulholland Drive (David Lynch, 2001)

mulholland_drive            Mulholland Drive est probablement l'œuvre cinématographique du XXIème siècle qui a suscité le plus d'exégèses. Objet de fascination infini, incompréhensible pour les uns, limpide pour les autres, elle jouit d'une unanimité populaire sans précédent pour un film de sa complexité. Pourtant le magicien Lynch ne fait preuve d'aucun racolage, pas plus qu'il ne fait de concession au spectacle. Simplement, la puissance hypnotisante de Mulholland Drive défie l'esprit critique et nous plonge sans difficulté dans ce songe douloureux, pour lequel on se prend avec délectation au jeu du sémiologue devant les clés que parsème le cinéaste. Alors que Lost Highway, sorte de brouillon du chef-d’œuvre en devenir, avait par exemple beaucoup plus de mal à nous embarquer dans sa folie circulaire. S'égarer dans le noir de Pandore n'a peut-être jamais été aussi séduisant.

            Maîtrisant son art à la perfection, Lynch triture les codes narratifs et spatio-temporels: superposant les strates de temps - passé, présent, futur - au sein d'une chronologie déjà elle-même cyclique, il duplique avec finesse les représentations du double et de la répétition au cœur de son rêve pre-mortem. Si les couleurs diaprées peuvent laisser planer l'ombre d'un doute par moments, elles ne cachent pas longtemps la putréfaction de la mort qui se love dans leurs bras: Mulholland Drive est un cauchemar lumineux. (1) Si le cinéma de David Lynch a souvent montré la cohabitation au quotidien, dans la plus grande normalité, de personnages ordinaires avec d'autres, inquiétants ou burlesques, qui le sont moins, le réalisateur semble être passé de l'autre côté de la barrière avec Lost Highway et Mulholland Drive. Les degrés de lecture en sont décuplés. Métaphore cruelle sur l'usine à rêves hollywoodienne - Mulholland Drive est le nouveau Sunset Boulevard, ce qui serait déjà largement satisfaisant - , le film est aussi un drame intime de la jalousie et des aspirations déchues ainsi qu'une plongée au cœur de l'éternelle et déchirante bataille entre le Ca et le Surmoi. Ensorcelé par la sublime musique magnétique de Badalamenti (2) et par deux actrices époustouflantes, on n'aurait jamais cru la psychanalyse si excitante. (3) Ou si bouleversante.

(1) La répétition est l'une des caractéristiques narratives majeures du cauchemar au cinéma.

(2) Musique dont le pouvoir de fascination peut seulement être comparé à celui de la merveille de Georges Delerue pour Le Mépris.

(3) Cerise sur le gâteau, David Lynch est peut-être également le cinéaste traditionnel nord-américain en activité qui filme le mieux les scènes de fesses, avec David Cronenberg.

                                                                       Ben Evans (D.W. : vital / B.E. : vital)

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