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Cineflower
31 décembre 2011

La Grotte des Rêves Perdus (Cave Of Forgotten Dreams, Werner Herzog, 2011)

lagrottedesrevesperdus

         Avant la 3D ne servait à rien. Mais ça, c’était avant. Ok, un ou deux jolis plans ici, dans Avatar, ou là, dans Pina. Ce dernier montrait que peut-être, avec la 3D, le futur se conjuguait au passé – ce n’est pas une critique –. Mais Werner Herzog l’exploite merveilleusement bien pour les moindres dénivelés de ses grottes, c’est impressionnant. Le parcours des œuvres triomphant sur ces parois, semblable à celui d’Andrei Tarkovski sur les peintures d’Andrei Roublev dans le film éponyme, fait ressentir jusque dans l’épiderme le moindre dénivelé, la moindre anfractuosité, le moindre matériau. Ca en est déjà prodigieux. Pourtant le spectacle, total, ne stimule pas que les sens. Werner Herzog est un aventurier. Au-delà de ses tournages qui constituent, pour la plupart, des épopées, sa caméra paraît vouloir percer les mystères de l’univers. (1) Ce n’est pas du documentaire que naît la fiction, ni l’inverse, en tout cas là n’est pas le sens de sa quête. C’est au-delà du réel que la vérité propre à Herzog trouve son accomplissement le plus éblouissant. Comme lors de la descente initiale de la cordillère des Andes dans Aguirre, la Colère de Dieu, comme avec les cascades de Cœur de Verre, c’est dans la friction entre la réalité et la fiction que l’hypnose extatique de son cinéma nous surprend à chaque fois : ici l’action conjointe de la 3D et de la lumière anime sous nos yeux ces œuvres séculaires, faisant de ces peintures de véritables tableaux vivants. Au son d’une musique céleste, on assiste, éberlué, à la résurrection d’un cinéma originel, habité des âmes de nos ancêtres. De manière plus éloquente que Wim Wenders, Werner Herzog fait du cinéma un art cyclique, ou plutôt un art Moebusien, où le futur permettrait de réinvestir le passé en lui conférant une dimension inédite.

         Libre-arbitre oblige, il n’est pas besoin de s’attarder sur les séquences extérieures, que ce soient les explications conventionnelles – mais pas inintéressantes – ou la conclusion, prolongement évolutionniste pourtant passionnant, là n’est pas le cœur vibrant du métrage.

         Les alentours ont beau affaiblir l’œuvre et l’empêcher d’atteindre le chef, quand on regardera par la lorgnette, plus tard, ce qui restera du cinéma de 2012, demeurera cette (r)évolution miraculeuse : le mariage de la vue et du toucher. La Grotte des Rêves Perdus est, sans doute, la plus sensationnelle (la seule ?) expérience haptique qui soit. (2) Et, aussi, le partage vivant d’une incantation : il était une fois le cinéma.

 

(1) Une impression similaire était née de la vision d’Oncle Bonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, en 2010.

(2) Vous l'aurez compris, je ne parle dans ce billet que de l'expérience au cinéma, en 3D. Je demeure circonspect quant à l'épreuve télévisuelle de la chose...

 

                  Ben Evans (D.W.: pas vu / B.E.: vital)

 

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