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Cineflower
5 octobre 2008

Martyrs (Pascal Laugier, 2008)

martyrs                Voilà le buzz de l'année. Le film qui divise. Le film choc, donc le film à évoquer lors des dîners mondains. Le film dont tout le monde a entendu parler, pour la censure extrême à laquelle il a échappé de justesse, comme pour le suicide de son maquilleur, Benoît Lestang. Et autant le dire tout de suite, Martyrs a été le long-métrage le plus ardu à critiquer de 2008. On comprend autant ses fervents partisans que ses détracteurs outrés. Pourtant, il est difficile également de conseiller de le voir pour se faire une idée. Pour tout dire, j'hésiterais fortement à le montrer à un ado de 16 ans (1). Alors que j'ai aimé (vous vous en doutiez, puisqu'il figure sur ce blog). Explications. ATTENTION – (TRES LEGERS) SPOILERS –
                Ca commence par un mix entre le film d'horreur traditionnel, le survival façon Chiens de Paille, et le film de trauma. Bénéficiant d'une réalisation de genre très classique (caméra porté à l'épaule et tremblante, grain défectueux), mais diablement efficace (2), cette partie se révèle la plus intense, bien qu'on ne doute pas une seconde de la folie de l'héroïne, merveilleuse Mylène Jampanoï. Légèrement effrayante, agréablement émouvante, immédiatement sauvage, très sauvage, barbare, très barbare et gore, très gore. Pascal Laugier ne flagorne pas nos instincts les plus violents, il les pousse à bout. Martyrs est avant tout un film sadique, vomitif, révulsif. Il faut aimer ça. On se sent alors tiraillé. Notre corps, masochiste, hurle que c'est génial, notre raison, dégoûtée, vagit que c'est trop. Le premier climax surprend par son arrivée précoce. On se demande bien ce que le metteur en scène va pouvoir nous montrer après ça. Il accentue encore l'aspect craspec qu'il pousse à l'extrême (3), avant de se mélanger les pinceaux avec une explication aussi chiante que dérisoire, à laquelle feront écho plus tard les dernières minutes du film, complètement ratées et superflues. Là encore, on est à deux doigts de jeter l'éponge et de prendre ses clics et ses clacs. Film trépané, Martyrs semble vouloir se suicider dans la surenchère la plus gratuite. La construction de la suite, véritable supplice répétitif, épouse la longue torture que l'on subit alors. Mais là, stupéfaction, alors que le seul de violence est toujours aussi élevé, on se surprend à être de moins en moins choqué par les coups portés et les humiliations subies. Le dégoût laisse la place à une sorte d'indifférence, qui finit elle-même par se teinter de plaisir: on s'offusque ainsi de trouver ça presque jolies, voire poétiques les dernières séances du calvaire, lorsque la petite musique d'Alex et Willie Cortés emboîte le pas. Et si Martyrs était la mise en garde la plus efficace contre la banalisation de la violence que l'on ait eu depuis Funny Games? Evidemment, les opposants me diront que je me fais l'avocat du diable. Peut-être ont-ils raison. Mais peut-être pas. Oui, Martyrs va loin, très (trop?) loin. Oui, c'est un film extrêmement gore, mais non, il n'est pas traumatisant (contrairement au Haneke), en raison notamment du retournement de perception final. Il reste d'ailleurs ainsi étonnement plus ancré en nous d'une manière cérébrale que physique, ce qui peut paraître paradoxal pour un film d'un genre qui se veut avant tout viscéral. Effectivement, la question première demeure: était-ce la peine d'en montrer autant? Seul le temps nous le dira, seul juge définitif de la valeur des films (comme pour tous les gros chocs). Martyrs ambitionne de marcher dans la même cour que Salo, Funny Games et autres Orange Mécanique. (4) C'est un peu prétentieux, et il ne possède pas non plus tout à fait la qualité éblouissante de ses aînés. Mais gageons que son jusqu'au-boutisme malade lui garantisse une place de choix dans la meute des poursuivants…


(1) Age à partir duquel il est finalement possible de le voir.
(2) Pascal Laugier sait notamment très bien jouer du hors-champ.
(3) On y trouve la scène la plus crade de l'année, absolument abominable.
(4) On peut penser aussi un peu à Das Experiment en voyant Martyrs, mais bon, c'est une autre histoire.

                                                                        

Ben Evans (D.W.: must see / B.E.: must see)

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