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Cineflower
5 octobre 2008

Le Libre Arbitre (Der Freie Wille, Matthias Glasner, 2008)

Der_Freie_Wille                C'est triste à dire, mais on peut a priori déjà prévoir le destin de ce film, en tout cas chez nous: il sera diffusé sur Arte puis oublié de tous, ou presque (1). Un film aussi rugueux, allemand de surcroît, traitant d'un sujet scabreux comme le retour à la vie "normale" d'un violeur récidiviste, ne se voit pas souvent offrir d'autres alternatives dans notre "beau" pays. On préfère niveler par le bas. C'est bien dommage pour un film de cette trempe. Tout sauf pusillanime, le réalisateur prend le taureau par les cornes et commence bile en tête par une scène de viol en caméra portée et caméra subjective. Il s'efforcera de ne montrer aucun point de vue par la suite (2), gardant en permanence une distance et une froideur documentaires. L'important n'est pas d'accabler, de justifier, ou de juger. Matthias Glasner nous donne juste à voir. A voir donc à ressentir. Le film suscite ainsi une réaction première de rejet, née de la prise de conscience de l'empathie que l'on commence à ressentir pour un violeur, conscient de ses actes. La force et l'enjeu du film sont là, dans cette manière de filmer et considérer ce violeur comme tout un chacun. La question n'est pas de savoir s'il va pouvoir être "guéri" ou pas. L'issue du chemin est moins importante que le chemin lui-même. Theo est "simplement" un homme normal, un homme qui lutte comme n'importe quel autre, qui comme tout le monde doit reprendre son combat chaque matin, sans fin. L'absurdité de la vie selon Camus. Son caillou à lui, c'est une libido contrariante, son appétence se révélant une pathologie compulsive. Theo essaiera alors de vivre une histoire avec une jeune femme toute aussi paumée que lui. Une romance, âpre et bouleversante, à l'issue forcément plus qu'incertaine. Car l'acceptation de l'autre passe bien souvent d'abord par l'acceptation de soi. Les deux comédiens principaux, Jürgen Vogel (3) et Sabine Timoteo, impressionnants, arrivent à nous faire ressentir les soubresauts de ce jeu des pulsions inavouables, de cette bataille pour la survie dans un monde qui les oppresse. Le libre-arbitre existe-t-il? Pour tout le monde? Sommes-nous plus libres en assouvissant nos pulsions au détriment des autres ou en nous reniant et nous forçant à les contenir pour se plier à la volonté générale? Pour notre "héros", le libre-arbitre ne saurait rester qu'un joli mot. Vain donc essentiel. Comme le film. Comme l'Art. Donc comme le Cinéma.

(1) Il n'y a déjà pas forcément grand monde qui en a entendu parler à sa sortie.
(2) C'est évidemment faux, et impossible, une caméra révélant toujours le point de vue de celui qui la tient, mais bon. Disons plutôt qu'il ne montre pas de jugement.
(3) Egalement coscénariste et coproducteur du film.

                                                                        Ben Evans (D.W.: pas vu / B.E.: indispensable)

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