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Cineflower
9 novembre 2009

Bronson (Nicolas Winding Refn, 2009)

bronson            "Le Orange Mécanique du XXIème siècle" nous hurle quelque critique apocryphe lors d'une bande-annonce par ailleurs enthousiasmante. Le genre d'accroche mercantile douteuse qui rend méfiant plus qu'autre chose. Et d'ailleurs, pourquoi? Pour sa vision frontale de la violence? Il y en a eu d'autres depuis le chef-d’œuvre de Kubrick.  Son caractère éventuellement provocateur? Idem. L'utilisation de musique classique? La maîtrise des lignes géométriques de sa mise en scène? Mouais. Reste que le Kubrick a surtout une portée sociétale que ne vise pas le Refn, plus anecdotique (1). Bronson est l'histoire d'un type. L'histoire fantastique et fantasmée d'un type pas banal, donc une histoire fascinante. Mais ça reste "juste" l'histoire d'un type (sans portée globalisante ou subversive, donc).

            Michael Peterson, alias Charles Bronson, est une sorte de Moloch sensible. Du type inadapté à la société, pas franchement doué avec les mots, porté sur le bourre-pif (à poil de préférence), mais qui se rêve artiste célèbre. Son œuvre principale, son corps, son langage, la châtaigne. A aucun moment l’œuvre ne cherche à justifier ce comportement plutôt contraire aux mœurs. Ce ne sera ni la faute des parents, ni celle de la société. La porte se refermera de même, à chaque moment où une lueur d'explication pointera le bout de son nez. Toute tentation de compréhension, de fusion, se retrouve ainsi tuée dans l'œuf. Racontant d'un ton serein et rationnel ses péripéties qu'on jurerait irrationnelles, Bronson impose d'emblée sa froideur et son mépris d'une quelconque empathie (froideur que l'on peut retrouver chez Kubrick, certes). Une seule constante: un besoin exacerbé de reconnaissance (et pas comme un aliéné, comme en atteste son refus de l'asile psychiatrique), une envie de lauriers. La prison sera (et est toujours, puisque le film s’inspire d’un fait réel), pour cet inapprivoisé, à la fois théâtre de jeu, terrain d'expression, et champ de gloire.

            Entre quatre murs, cette "quête artistique" - par les poings, puis les pinceaux - sera tout autant celle d'un accomplissement, d'un fantasme, qu’une échappatoire salutaire, le sauvegardant du naufrage définitif dans la folie qu’un si long cloisonnement pourrait laisser craindre. L’achèvement se veut aussi réel que fantasmé. C’est clairement cette voie qu’emprunte cette autobiographie détournée. L’homme se raconte, face caméra ou face à son public – ce qui est un peu la même chose – ou met en scène ses actes, la plupart du temps violents. Esthétique baroque, jeu sur les focales, utilisation de filtres (2), surcadrages, la mise en scène de Nicolas Winding Refn nous jette sans semonce en tôle avec un esprit malade (ou pas). Espace diégétique et espace mental ne font qu’un. La fantastique bande originale, des Pet Shop Boys à Wagner, notamment lors des différentes d’échauffourée, traduit moins une quelconque distanciation que cette idée de mise en scène du spectacle de sa propre vie. La fin, où les aspirations et les pulsions de l’homme se confondent sereinement dans un même élan baroque, en est une apothéose éclatante.

            Drôle et cruel, dérangeant et jouissif, Bronson cultive le paradoxe d'être aussi bouillonnant et sanguin que froid et imperméable. D’où cette sensation étrange, qui pourra être interprétée autant comme une faiblesse qu’un remède contre le danger d’un tel cloisonnement (prison, esprit malade) : on est à la fois dehors, et dedans.

(1) Ce qui n'est absolument pas péjoratif, ni ne juge en rien sa valeur intrinsèque en regard de celle de son prédécesseur. Il s'agit juste de pointer une différence fondamentale entre les deux.

(2) Le rouge, ça-serait-t-y pas la couleur du sang ?

                                                                                   Ben Evans (D.W.: must see / B.E.: must see)

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