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Cineflower
24 juillet 2009

Tokyo Sonata (Kiyoshi Kurosawa, 2009)

tokyo_sonata            Le bouquet-réverbère qui clôt Playtime indiquait déjà la capacité de l'œil (ou par extension l'esprit) à attribuer sa beauté au monde qu'il observe, voyant poésie là où il n'y a que ferraille. Sans vouloir comparer le moins du monde ces deux œuvres, tout spectateur de Tokyo Sonata pourra avoir la même révélation, hésitant entre éclats et effroi au gré des situations qui jalonnent le parcours de la famille de l'anti-héros principal de Kurosawa. Mais là où l'art de Tati reposait sur l'essence du burlesque (id est la coexistence impossible d'un corps et d'un monde) et sa fine observation du monde s'incarnait en une chorégraphie (pourtant) désincarnée héritée du muet, le cinéaste nippon apporte ce décalage par son art pour créer un déséquilibre permanent. Contrebalancée par un montage syncopé, des décadrages constants et un rythme décalé, les scènes d'humiliation ordinaire ou de déshumanisation, pour ne citer qu'elles, gagnent ainsi selon les cas en rires ou en larmes, en tendresse ou en cruauté. Une dysharmonie affection-réaction, comme un noyau d'irrationnel lové autour au quotidien. Si l'alter-ego de monsieur Hulot était le chantre du poétique-ordinaire, Kurosawa est le peintre du fantastique-ordinaire. L'incursion du célèbre réalisateur fantastique japonais dans un genre très en vogue au pays du soleil levant, le home drama, ne pouvait être juste banale.

            Dans le fond, Kiyoshi Kurosawa s'intéresse donc au modèle familial japonais, trop corseté, qui sclérose ses membres, paralysie soulignée par la géométrie des plans et l'abondance des cadres dans le cadre. Cette catalepsie est à l'origine du marasme de la société nippone, extension d'un foyer qui en est la souche indivisible. La pilule peut sembler amère, on sent pourtant constamment l'amour du metteur en scène pour ses personnages.

            Particulière, l'histoire de cette famille conquiert aussi ses galons d'universalité par l'ouverture de ses cadres, le masque et la gestuelle de ses protagonistes. Appréhendé dans une vision globale, à la fois tragique et dérisoire, drôle et révoltant, le destin se fait contaminer in fine, comme par enchantement, par une sérénité lumineuse, au son merveilleux des accords de Debussy. Cette agitation d'êtres qui se débattent a beau être aussi vaine, douloureuse qu'hilarante, elle n'est que partie du courant. L'ombre de Yasujiro Ozu est prégnante. Le fantastique ordinaire se fait ordinaire optimiste et apaisé. En hommage au maître, on dira que finalement ce n'est (n'était) rien. Mais comme avec lui, ce(s) rien(s) bouleverse(nt).

                                                                         Ben Evans (D.W.: pas vu / B.E.: indispensable)

                                                               

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