Morse, Tomas Alfredson, 2009
Un an après le formidable [REC], son
successeur au palmarès du festival de Gérardmer arrive à pas feutrés dans
nos salles, avec la timidité du jeune âge de ses interprètes principaux.
Et, commençons par César, rares sont les jeunes performances aussi enthousiasmantes
que celles des deux premiers rôles du dernier film de Tomas Alfredson.
Kare Hedebrant (Oskar) et Lina Leandersson (Eli) irradient de leurs frêles
épaules un métrage dont la difficulté principale a priori résidait dans
la recherche de telles prestations. Aussi ambivalents que touchants, ils
impressionnent à tout instant.
Pouvant maladroitement être taxé de drame
ado-romantico-vampirique, Morse ne garde en fait que l'épure des
genres qu'il englobe. A l'instar de son héros, il se garde bien de trouver
sa place au sein des autres oeuvres du 7ème Art; Oskar est un marginal,
certes, mais pas l'adolescent classique en pleine crise rebelle identitaire;
plutôt l'incompatible qui, (in)volontairement ne vise pas à l'intégration.
Habituellement, le col entre l'enfance et
l'âge adulte marque le passage d'une altération, d'une souillure; celle
de la candeur par l'éveil à la violence, à la sexualité, à l'hypocrisie,
à la réalité. Morse n'y cède pas. Le monde d'Oskar, que l'élégante
mise en scène nous fait partager (1), conserve son détachement vis-à-vis
d'un environnement impuissant à percer cette bulle innocente. Peut-être
la rencontre avec cet Autre le préserve-t-il d'un commun besoin d'appartenance.
Ou peut-être ce déclin n'en est que différé. (Oskar sera-t-il le nouveau
Hakan?) Le film se garde bien de dévoiler les réponses, préférant conserver
en suspension cette sublime pureté cristalline. Pureté de cet âge transitoire,
jamais aussi bien dépeint qu'ici, pureté d'un amour platonique au-delà
des genres. Loin de l'idée d'une quelconque corruption, Morse célèbre
au contraire le mariage de la neige et du sang. Union cinégénique d'une
extrême poésie qui donne aux baisers un goût d'hémoglobine. Et le goût
est exquis.
(1) Ce n'est que lors des scènes qui
ne concernent pas le héros que la caméra se fait plus distante, organisant
des scènes de pure terreur ou tragédie dans des cadres d'une beauté plastique
étincelante.
Ben Evans (D.W.: indispensable / B.E.: indispensable)