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Cineflower
10 octobre 2008

Le Nouveau Monde (The New World, Terrence Malick, 2006)

le_nouveau_monde            (Première vision) Telle une brise. La grâce élégiaque du dernier film de Terrence Malick nous caresse et nous pénètre, éveille nos sens et secoue durablement notre cœur. Le Nouveau Monde épouse en effet aussi bien les respirations des deux principaux protagonistes que celle de la terre de nos ancêtres. La terre, c'est elle, c'est lui. Le rapprochement de ces deux êtres se fait conjointement avec la nature, leurs battements de cœur vibrent au même rythme que les épis au vent. Expérience ésotérique, romance bouleversante, fiction historique, Le Nouveau Monde est aussi le récit initiatique intérieur de l'héroïne, sublime Pocahontas, candide et cristalline, campée par la rayonnante Q'Orianka Kilcher: elle y découvrira l'amour, le monde des hommes et la civilisation. Mais là où son premier amour, sur la terre de ses pairs, se conjuguait avec une communion avec la nature, le second sera aussi synonyme d'abandon; le pouvoir de cet amour ne saurait éteindre complètement la mélancolie nostalgique qui nous étreint alors. La découverte d'un nouveau monde par la civilisation entraîne irrémédiablement le déclin de ce dernier. D'une certaine manière, La Ligne Rouge et Le Nouveau Monde évoquent la même histoire: la perversion par l'homme d'un eden originel. Dès lors, le nouveau monde du titre est bien triple: il désigne bien sûr l'Amérique dont le début de l'histoire nous est conté ici; mais il désigne aussi, et surtout, la destination du voyage intérieur de l'héroïne, en même temps que cet éden panthéiste sacrifié sur l'autel de notre civilisation. Et si le drame final propose un mélange paradoxal de tristesse et d'apaisement, c'est que la mort de l'être induit le retour de son âme vers sa terre nourricière. Cette sérénité ne pouvait être retrouvée que dans la célébration de cette (ré)union.

               

le_nouveau_monde_bis            (Seconde vision) A y regarder de plus près, il y a quelque chose de formidable avec Le Nouveau Monde, remarque qui pourrait bien s’appliquer à La Ligne Rouge (au moins): ses plans de nature sont un film en eux-même, une histoire parallèle de celle habituellement racontée dans les synopsis. Peut-être (j’en doute encore, et c’est une petite contradiction avec mon impression première) les colons ne pervertissent-ils pas la nature, mais s’agitent-ils en vain dedans. Les faux-raccords ne traduisent-ils pas une incompatibilité, plus qu’une critique ? L’homme moderne paraît simplement appartenir à une autre sphère (que celle panthéiste des peuples primitifs), totalement disjointe. Constat ou diatribe ? Smith tentera bien d'aller d'une sphère à l'autre dans la première partie, et Pocahontas fera le chemin inverse dans la seconde, mais les deux essais se soldent par un échec cinglant. La mélancolie nostalgique diffuse du film vient peut-être finalement moins de notre contrition pour avoir perverti un tel éden que de la reconnaissance de l'impossible harmonie entre ces deux sphères. L'ataraxie des uns ne peut se concilier avec la soif de progrès des autres. Dès lors, doit-on mesurer l'inanité de nos comportements ou juste accepter l'irréconciliable différence des deux camps? Etre, c'est devenir plus, nous disait Nietzsche. Phrase qui pourrait symboliser la marche en avant des peuples civilisés. L'effluve amène des autochtones de Malick nous imprègne pourtant davantage de l'antienne tautologique: ne deviens pas, sois.

                                                                    Ben Evans (D.W. : why not / B.E. : vital)

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