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Cineflower
21 mai 2010

Lola (Brillante Mendoza, 2010)

lola            Plus que le scénario, une scène pourrait résumer à elle seule la beauté du dernier Mendoza: ce plan-séquence bouleversant où l'on suit la première Lola (grand-mère en philippin), déterminée mais affaiblie par le poids des années, lutter contre les aléas pour ouvrir son parapluie et allumer une bougie. Tout à la fois absurde, tragique et comique, la vie entière semble contenue dans cette seule lutte désespérée. Le film suit ainsi le parcours du combattant de deux mamies, mettant tout en œuvre pour le bien de leurs descendants. Leurs destinées se croisent après le meurtre du petit fils de l'une par celui de l'autre, au commissariat, lors d'un plan superbe évoquant les trajectoires de l'Elephant de Gus van Sant. Si ces deux gardiennes du temple semblent prêtes à tout pour leur lignée, elles doivent aussi composer avec le réel. Nulle approche mythologique ou naturaliste des liens du sang comme pouvait l'être celle d'un Bong Jooh-Ho dans Mother: dans un Manille en déliquescence, elles n'ont pas vocation à changer le monde ou défier les dieux, seulement à faire de leur mieux. Une humilité certaine qui se retrouve dans la mise en scène de Brillante Mendoza.

            Ce dernier n'est jamais aussi troublant que lorsqu'il semble s'abandonner à son environnement, au gré d'errements faussement anodins. Fébrile et attentive, et pour tout dire touchée par quelque grâce, sa caméra s'offre alors en pâture, ne redoutant pas de laisser la vie prendre le dessus. Le brouhaha incessant de Manille, son effervescence épuisante contaminent l'écran avec une véracité sidérante par la seule force de cet engagement. C'est l'immersion totale, comme cela l'avait déjà été avec Serbis et son cinéma familial porno. Immersion qui n'empêche pas le réalisateur de composer des tableaux aquatiques d'une beauté sidérante. Ce dernier s'en serait tenu là, cela aurait été parfait. Peur de perdre son public? Peur de se laisser bouffer par ce qui déborde maintenant du cadre? Toujours est-il que, à de rares moments, Mendoza cède à un certain racolage émotionnel (notamment avec la présence inutile du fils handicapé). Entièrement jusque là dévouée à son art et au peuple philippin, l'œuvre effectue alors une sortie de route en se tournant vers son public. (1) Puis corrige heureusement le tir. Peut-être pour se révéler à l'unisson de ses deux héroïnes: malade mais digne. Lumineuse. Admirable.

(1) Ce fut l’une des erreurs du précédent Kinatay, vaste fumisterie de festival rapidement oubliée.

                                                Ben Evans (D.W. : pas vu / B.E. : must see)

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