Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Cineflower
21 février 2010

Mother (Madeo, Bong Jooh-Ho, 2010)

mother            Un jeune homme simplet, sujet à des troubles de mémoire, se voit inculper pour homicide. Sa mère met tout en œuvre pour l'innocenter. Dit comme ça, l'originalité du pitch a de quoi faire frémir. Serait-il (le film) de l'oncle Sam, on imaginerait la mère Jolie secouer terre et mer à coup de larmes préfabriquées, lancée telle une vache avinée dans la course à la statuette. Avec Bong Joon-Ho, le scénario accouche d'un film rien de moins que bouleversant. Le coréen continue son sans-faute.

            Devant sa caméra, la petite Kim Hye-Ja se fait vampire, ogresse, devient LA mère, anonyme, universelle, mythologique. Loin de l’image d’Epinal de nos chères petites mamans, le metteur en scène en montre le côté obscur et souterrain, la part monstrueuse originelle. S'il semble à première vue toujours nourrir le même désabusement emphatique à l’égard de son pays, le constat est plus amer ici que dans Memories of Murder ou The Host: même lâcheté, même paresse, même corruption, oui, mais plus d'entraide nulle part. Le seul lien restant, celui du sang, devient dès lors légitimité première. Le droit du sang, celui qui coule comme celui versé, peut-il prévaloir? Mother tire sa force de la confrontation directe, sans fard, à cette question. Prolongement humain de Gaïa, la mère tire son énergie vitale de cet instinct naturel de conservation de l'espèce. Un corps mu par une force tellurique immanente. Ecartelée par ses racines ancestrales (la violence) et personnelles (la famille), déchirée entre pulsion et raison, lestée d'une mémoire aussi libératrice que poids, la conscience, elle, suffoque, cherche l'apaisement. C'est aussi beau que délétère. Fidèle à ses habitudes, Bong Joon-Ho croise les genres, marie au sein d’une même scène les émotions contradictoires. La candeur attardée du fils, caractéristique habituelle des sidekicks (1), sert l’élément comique et les ruptures de ton. Sous l’apparente grossièreté du trait affleure une finesse et une profondeur existentielle, asphyxiante car irrationnelle. Une gêne sourde nous envahit inexorablement. Mélangeant le sacré et le profane, la bienséance et le tabou, le blanc et les flammes, Mother pointe nos contradictions les plus irréconciliables. Et l'humanité dans tout ça?

(1) sauf chez Bong Jooh-Ho, qui, tel un mangaka, en fait le caractère principal de ses héros.

                                                                     Ben Evans (D.W. : pas vu / B.E. : indispensable)

Publicité
Publicité
Commentaires
Cineflower
Publicité
Publicité