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Cineflower
26 janvier 2009

Les Noces Rebelles (Revolutionary Road, Sam Mendes, 2009)

les_noces_rebelles            Abordant frontalement des thèmes comme la société de faux-semblants, l’érosion du couple, la lutte incessante entre la marge et la norme, le quotidien à la fois effrayant espace de vie et confortable tombeau (ou l’inverse), Les Noces Rebelles s'inscrit pleinement dans la filmographie de Sam Mendes, sacré salopard (1), qui signe ici à la fois son meilleur film et son film le plus imparfait, tout en revenant à ses premiers amours. L’œuvre peut ainsi par moments en effet être vue comme une version plus mature et moins racoleuse de son American Beauty. Mais le film s’inscrit davantage encore dans une autre double filiation, celle des mélodrames classiques dont Douglas Sirk était l’empereur officiel, et celle des adaptations névrosées et névrotiques de Tennessee Williams. On pense beaucoup en particulier à Qui a peur de Virginia Wolff ? lors des échanges violents entre les deux époux. Les Noces Rebelles possèdent la même force universelle que les premiers, tout en conservant le caractère anecdotique du second, dualité qui le rend infiniment plus proche et bouleversant que le premier long-métrage du réalisateur. Au jeu des comparaisons, le film de Sam Mendes peine à atteindre l’excellence sur chacun des deux plans : dans l’emphase temporaire de sa mise en scène (2), le surjeu de certains acteurs (3) comme l’écriture parfois trop évidente de ses répliques. Pourtant, au-delà de ces quelques maigres et rares écueils, le film trouve rapidement sa voie, au gré d’un classicisme discret tout au service de ses comédiens (fabuleuse Kate Winslet, est-il besoin de le préciser) et de sa déchirante histoire, où l'affect lacrymal est repoussé par une cruauté incisive de tous les instants. Une bataille étouffante qui nous cloue à notre siège et laisse sans voix.

            Le film est construit comme l'asyndète la plus simple qui soit. Rencontre heureuse (première scène). Deliquescence (tout le reste). D'une sadique vérité, Les Noces Rebelles nous fait simplement comprendre que tout s'est déjà joué dans l'ellipse initiale, que les espoirs ne sont qu'illusions, que la moindre espérance était déjà étouffée dans l’œuf. Le Rebelle de King Vidor ne pourrait exister chez Sam Mendes. Ici, la certitude (paradoxalement commune) d'être spécial, le refus des congruences, comme l'épanouissement individuel sont systématiquement broyés de manière tragique par la société et le quotidien. Les personnages s'en trouvent condamnés à une vie faite de frustration, d'hypocrisie et (donc) de méchanceté. L'enfer, c'est la norme, ou c'est les autres, c'est pareil (triste constat). La fin est à ce titre édifiante. Le choc entre les illusions de jeunesse et l'implacable réalité est un éternel palimpseste, dont nos existences morcelées ne sont qu'une simple version. Universelle et intime, la cruauté subversive du film réside peut-être bien avant tout dans ce terrible aveu d'impuissance: on a beau être tous différents, on est tous pareils.

(1) C’est la mari de Kate Winslet à la ville.

(2) Alors que des films comme Tout ce que le Ciel Permet ont justement prouvé que mélodrame et finesse faisaient bon ménage. Le parti pris est ici volontaire et plutôt bien concrétisé, mais un peu maladroit.

(3) Leonardo Di Caprio, dont c’est pourtant le meilleur rôle, souffre par exemple de la comparaison avec Richard Burton.

                                                                     Ben Evans (D.W.: indispensable / B.E.: must see)

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