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Cineflower
5 octobre 2008

Almanach d'Automne (Oszi Almanach, Béla Tarr, 1984)

almanach_d_automne             Sur le papier, Almanach d'Automne reprend une à une les thématiques abordées dans son premier long-métrage: à l'intérieur d'une maison où tous habitent ensemble, l'implosion d'un groupe d'individus; les alliances se défont aussi vite qu'elles ne se font, la misère pourrit tous les personnages. Tout n'a qu'un vecteur, une seule finalité, une seule cause: l'argent. C'est la fin des illusions. "Nous avançons pas à pas vers la catastrophe. Mais il faut bien vivre!", répète à l'envi le professeur. Une caresse, une fellation ou une partie de jambes en l'air peuvent bien nous faire oublier, le temps d'un plaisir fugace, notre condition, il n'y a plus rien à espérer. Même la réalité n'est plus qu'un leurre: si les personnages se mentent les uns aux autres, ils se mettent également à eux-mêmes. Il s'agit dans un premier temps de se répéter que ça va passer, qu'il y a encore de l'espoir. Puis, après l'inévitable prise de conscience, de faire semblant. Jamais un mariage n'aura semblé aussi triste, tout bonheur n'est que factice. On ne peut naturellement pas prédire l'avenir, Que sera, sera, mais chez Béla Tarr, on peut gager qu'il ne sera pas radieux.

            Après coup, Almanach d'Automne apparaît clairement comme l'œuvre charnière de Béla Tarr. Le réalisateur cherche toujours son cinéma. Mais cette fois, il dispose de plus de temps, temps qu'il va mettre à profit pour expérimenter tout azimut, les cadrages les plus fous (1), les effets de miroir comme l'utilisation de la couleur (2). La contrainte du huit-clos décuple sa créativité. Et Almanach d'Automne sera le film de la lumière pour le metteur en scène hongrois, celui où il aura trouvé sa voie: l'utilisation de la steadycam, ces longs plans hypnotiques, son compositeur désormais "attitré", Mihaly Vig, son acteur désormais "fétiche", Miklos B. Szekely (3), tout viendra d'ici. Emouvant comme une échographie, excitant comme les prémisses d'une nouvelle ère.
            Qu'on ne se méprenne pas sur ce que je dis: Almanach d'Automne n'est évidemment pas remarquable qu'en tant que film de transition au sein de la filmographie de Béla Tarr. Objet protéiforme, puits inépuisable d'idées de mise en scène, œuvre à la beauté glacée étincelante (4), Almanach d'Automne est également un grand film, et ferait fièrement figure d'aboutissement pour bien des cinéastes. Mais les possibilités des mortels s'arrêtent là où commence le talent des génies.

(1) Comme cette fabuleuse contre-plongée à travers le sol de la cuisine.
(2) Pour la première et la dernière fois.
(3) Il le remettra en scène dans Damnation et Satantango
(4) Son seul défaut, mineur, résidant dans cette impression éparse d'absence d'unité. Car Béla Tarr a beau expérimenter dans toutes les directions, tout est d'une maîtrise qui confine à la perfection.

                                                          Ben Evans    (D.W.: pas vu / B.E.: indispensable)

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