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Cineflower
28 février 2011

Black Swan (Darren Aronofsky, 2011)

blackswan

         Même prise à bras le corps Dardenienne du sujet, thématiques voisines qui se répondent. Dès les premiers instants, la filiation avec The Wrester est évidente. Film de danse le plus ambitieux depuis les mythiques Chaussons Rouges du duo Powell & Pressburger, Black Swan effectue avec le précédent opus d’Aronofsky un troublant pas de deux, aussi stimulant que quelque part légèrement frustrant.

 

         La confirmation d'un credo artistique ? Si les obsessions du réalisateur ont peu varié depuis ses débuts, c’est la première fois que l’on note une continuité – évidente qui plus est – dans la mise en scène entre deux opus consécutifs d’Aronofsky. Après le mélodrame, c'est le giallo qui est ici revisité, au scalpel d’une mise en scène lorgnant toujours vers celle des deux frangins belges multi-primés à Cannes. Black Swan y gagne forcément en suspense et coups d’effroi (ou coups d’éclat), au gré notamment d’un montage tranchant comme une lame, là où celui de The Wrestler laissait davantage aux personnages et acteurs la possibilité d’improviser et d’investir la scène. Le dernier opus y perd ainsi en spontanéité ce qu’il y acquiert en rigueur, en calcul, et d’aucuns diront en efficacité. Paradoxalement, au sein de ce dyptique officieux, c’est bien The Wrestler qui est le cygne noir, imparfait mais sans effort, celui qui ne triche pas. Black Swan affiche quant à lui crânement sa perfection formelle éblouissante, ce qui en constitue à la fois sa faiblesse (relative) et surtout sa force, tant les réserves émises sont souvent balayées par la puissance tragique de l’œuvre. Rien ne surprend, mais tout impressionne. Aronofsky ne déjoue pas les attentes, il les comble par sa maestria affolante. On part sceptique (de chaque scène), on sort (con)vaincu. Veni, vidi, victus (fui).

 

 

 

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         A la réflexion, le parti pris est sensé. Car comment surprendre en radotant? Les deux derniers films d’Aronofsky racontent au fond la même histoire, Black Swan ajoutant seulement au précédent les excès du genre qu’il investit. Tout était déjà là, plus ou moins sous-jacent, tout est repris et démultiplié. Black Swan pourrait d'ailleurs être la porte d’entrée la plus accessible pour le cinéma obsessionnel d’Aronofsky ; les questionnements sur la place de l’artiste, sur le dépassement et la fuite (1), ou ceux sur le corps (2)  y foisonnent plus clairement qu'ailleurs. Alors, Black Swan ou Aronofsky pour les nuls? La question ne se pose même pas.

         Il est vrai qu'entre d'autres mains, l'exercice périlleux aurait suscité des remous. Pas ici. Fidèle au corpus du cinéaste, Black Swan défie tout cynisme et ne se vit qu'au premier degré, il se joue des clichés et du mauvais goût qui lui font des œillades prononcées. Loin de représenter la première chute du  prodigieux funambule, Black Swan en réitère le miracle coutumier: celui d'un éléphant en souliers de cristal.

 

(1) La victoire est toujours amère chez Aronofsky. Si son cinéma est aussi tragique, c'est que la pulsion profonde qui l'habite, le dépassement qui est son sens, est toujours également synonyme de fuite. Nul accomplissement sans stigmate.

(2) J'évoquais dans mon billet sur The Wrestler un certain rapprochement avec les marottes de David Cronenberg. La filiation est avec l'auteur de La Mouche est ici évidente.

 

                                                                Ben Evans (D.W.: indispensable / B.E.: indispensable)

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