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Cineflower
15 décembre 2009

Vincere (Marco Bellochio, 2009)

vincere            Marco Bellochio évoque la grande Histoire en filmant, par un trou de serrure, la petite. Celle avec un "h" minuscule, reniée de ses contemporaines, piétinée par les chemises noires, puis laissée dans l'oubli. Celle scandaleuse d'Ida Dalser, amante, épouse et mère de l'aîné de Mussolini, et de son combat pour leur reconnaissance, à l'enfant et elle, après leur abjuration par le futur Duce. Une passion tragique cinégétique comme aucune autre devant la caméra enflammée du metteur en scène: son style flamboyant, tout à la fois épuré et baroque, conjugue l'histoire au romanesque, à l'unisson d'une musique quasi-omniprésente. Manifestant une confiance absolue en l'intelligence du spectateur, la mise en scène de Bellochio transporte par son lyrisme autant qu'elle interroge par sa surprenante pertinence (les images d'archives, l'emploi du même acteur dans la peau du père et du fils, le jeu des comédiens, notamment). De l'érotisme au mélo, le film diffuse avec force la fièvre ardente de son héroïne, magnifique Giovanna Mezzogiorno. Sacrifiée aux ambitions politiques d'un extraordinaire Filippo Timi, qui deviendra pur objet de représentation, elle n'aura de cesse de revendiquer son droit et son identité. Le tour de force n'est pas mince, que celui de nous passionner avec cette entreprise donc l'échec est annoncé par de saisissants flashforwards (pour qui n'aurait pas lu le pitch); comme celui de (faire) ressentir avec une vigueur étonnante une telle empathie pour une femme d'une ambiguïté morale certaine. Ne se reconnaît-elle pas dans les idées de son homme? Peut-on admirer une mère dont l'action butée et irraisonnée mènera son propre fils sur la route d'un funeste destin? La démarche est aussi symbolique, et le film politique. Car ces figures n'ont peut-être au fond pas de plus grande importance que celle d'être des victimes, finalement parmi d'autres, de l'avancée fracassante du fascisme. S'attachant à la petite histoire au détriment de, ou plutôt en lutte avec, la grande, Vincere s'impose comme une sublime profession de foi et l'affirmation d'une résistance totale, obligatoire, vitale.

                                                                Ben Evans (D.W.: pas vu / B.E.: indispensable)

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