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Cineflower
1 mai 2009

The Wrestler (Darren Aronofsky, 2009)

the_wrestler            Le scénario vaguement balboesque de The Wrestler avait tout du script pour midinettes. On en ressort l'œil qui saigne et le cœur qui pleure. Avec l'idée qu'au panthéon des films de sport, Raging Bull s'est peut-être trouvé un challenger. C'est dire l'exploit.

            Le parti était pourtant aussi risqué que le budget modeste. Car rarement un cinéaste n'aura autant semblé remettre à plat sa grammaire cinématographique. Rien ici de la virtuosité formelle clinquante des opus précédents du réalisateur. L'aboutissement épuisant de The Foutain appelait un apaisement, un renouveau. Les deux films partagent néanmoins le même équilibre de funambule entre le kitsch et le vrai, atteignant sur ce rasoir permanent une beauté indicible bouleversante. Equilibre qui est peut être la clé du cinéma de Darren Aronofsky.

            Qu'aurait donné le film sans Mickey Rourke? On sait qu'Aronofsky a un temps pensé à Nicolas Cage pour le rôle principal (on pouffe…). Etrange, tant Rourke semble plus que le véhicule du film, plus même que sa raison d'être. Il est The Wresler (le film, pas le personnage). La fascination quasi-sadomasochiste du metteur en scène pour les corps meurtris, marqués des stigmates des choix de vie de leurs personnage, a toujours été manifeste. (1) Des visions fantastiques et grotesques, métaphoriques et effrayantes, qui ont hanté ses trois premiers longs-métrages. Le corps de Mickey, buriné, boursouflé, charcuté par une vie dissolue et des charlatans sans scrupules, ne joue pas, il est. Dès lors, plus besoin pour l'ami Aronofsky d'afféterie esthétique pour mettre en scène son fantasme, puisque le corps de son acteur en est l'incarnation réelle. Le style documentaire "Dardennien" du film célèbrera bien mieux ce mariage de la fiction et de la réalité. Encore une fois, l'ensemble relève de l'équilibre ténu. Dès lors, le choix du catch comme moteur du héros apparaît évident. Car le catch, c'est du fake, mais pour de vrai. Le cinéma aussi.

            La force première de l'œuvre est ainsi là, dans son adoption et son amour immédiatement contagieux du catch, de sa sincère générosité comme de sa généreuse sincérité. A travers lui, c'est toute la noblesse du spectacle/divertissement qui trouve son plus bel écrin. Toutefois, le film n'oublie pour autant pas d'en pointer les dangers, quand le héros devient prisonnier de l'image qu'il donne. Mais la "vrai vie" n'est peut-être pas si différente. N'est-ce pas notre rapport aux autres qui détermine notre place? Leur regard comme leur indifférence? Le choix de The Ram résulte-t-il d'une démarche suicidaire sacrificielle, lui qui a tout perdu (amour et fille), ou d'une conscience profonde que sa place est bien là? Et n'est-ce-pas suite à sa retraite sportive qu'il essaie de recoller avec sa fille et de séduire la strip-teaseuse? Ou est le divertissement? Ou est l'essentiel? (2) A la fois l'un et l'autre, le film dissimule mal derrière une simplicité limpide une profondeur asphyxiante. C'est asphyxiant car ça a quelque chose d'irrationnel. The Wrestler n'est pas un film qui parle essentiellement à l'esprit, ni même au cœur, mais aux trippes. Il ne parle pas de raison, ni de volonté, mais d'une espèce de foi, d'accomplissement. Chez Aronofsky, sens et quête de sens se confondent dans ce dépassement. A l'image de la chanson de Springsteen, désormais fidèle compagnon de route, le film diffuse d'abord lentement son parfum intense. The Wrestler commence par quelques agrafes au cœur avant de nous écraser sous le poids gigantesque de son spleen.

(1) Fascination qui évoque des questionnements proches de ceux d'un Cronenberg.

(2) Par définition, le divertissement est ce qui nous détourne de l'essentiel.

                                                            Ben Evans (D.W.: indispensable / B.E.: indispensable)

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